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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 11:10
EMMANUEL COMBE : "BOUSCULER  LES SITUATIONS ACQUISES"

Un article très intéressant du vice-président de L'ADLC dans L'Opinion :

"Mon intérêt général

Emmanuel Combe

22 mars 2016 à 08h37

Le tragique destin de la loi El Khomri démontre une nouvelle fois que les réformes audacieuses butent dans notre pays sur le dogme du « gagnant-gagnant » : une réforme n’est acceptable qu’à partir du moment où elle satisfait l’ensemble des parties prenantes.

Disons-le tout net : une réforme dans laquelle tout le monde gagne n’est pas une réforme. Réformer consiste par principe à modifier les équilibres existants, à bousculer les situations acquises, dans le but de créer un nouvel équilibre plus favorable pour la collectivité. Les moins avantagés verront leur situation s’améliorer grâce à la réforme, tandis que les plus protégés seront moins bien lotis qu’avant. L’essentiel est que les bénéficiaires de la réforme gagnent plus que ceux qui y perdent. Ainsi, le projet initial de la loi El Khomri visait à faciliter les conditions d’embauche et de licenciement, pour le plus grand bénéfice des personnes éloignées du marché du travail – les 20 % de jeunes sans diplôme- mais en limitant en contrepartie la protection de ceux ayant accès à l’emploi.

Disons-le tout net : une réforme dans laquelle tout le monde gagne n’est pas une réforme.

Lorsqu’il engage une réforme, le décideur politique doit donc convaincre l’opinion publique que l’intérêt général qu’il incarne ne se résume pas à la préservation des positions acquises. L’exercice s’avère délicat dans la mesure où les forces en présence sont asymétriques : les bénéficiaires de la réforme ne sont pas organisés et peinent à faire entendre leur voix ; de leur côté, les « insiders » sont prompts à se mobiliser, en invoquant au soutien de leur cause… l’intérêt général. S’ils agissent contre la réforme, nous disent-ils, ce n’est pas pour eux-mêmes mais pour le bien des autres, pour préserver des intérêts supérieurs, tels que le « modèle français », la sécurité, la qualité ou la santé publique. Par une sorte d’inversion des rôles, ils vont transformer la préservation de leurs intérêts particuliers en défense de l’intérêt général et parfois même… accuser les pouvoirs publics de promouvoir au travers de la réforme d’autres intérêts particuliers, que ce soit ceux du Medef, de la finance ou du droit anglo-saxon.

Bénéfices clairs. Difficile dans ces conditions pour le décideur politique de faire entendre sa voix, à moins d’expliciter clairement l’intérêt général qu’il entend promouvoir : au nom de qui et de quoi réforme-t-il ? L’opinion publique doit pouvoir mettre un visage sur les bénéficiaires de la réforme : à cet égard, les réformes qui profitent à tous – songeons à des mesures en faveur du pouvoir d’achat - sont plus difficiles à défendre car leurs effets sont diffus. De même, les bénéfices de la réforme doivent être clairement énoncés et ne pas se résumer à des gains monétaires, dont le chiffrage sera aussitôt contesté.

A cet égard, il est plus judicieux de porter la réforme sur le terrain des valeurs. Par exemple, dans sa réforme du notariat, Emmanuel Macron a dès le départ placé son projet sous le signe de l’égalité des droits, rendant ainsi la critique plus délicate : en effet, au nom de quel principe supérieur devrait-on empêcher de jeunes notaires de s’installer librement, dès lors qu’ils remplissent les conditions de diplômes ?

Dans sa volonté réformatrice, le décideur politique ne doit jamais oublier de brandir l’étendard de l’intérêt général ; au risque sinon de laisser le champ libre à tous ceux qui l’utiliseront pour mieux défendre… leurs intérêts particuliers.

Emmanuel Combe est professeur de sciences économiques à l’Université de Paris-1 et professeur affilié à ESCP Europe."

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commentaires

R
@anonymous : "...une profession qui fera toujours partie de la classe moyenne".<br /> <br /> Je me suis arrêté de lire.<br /> <br /> Avec un revenu moyen de 22.740 € nets (source Insee : 2012), estimer faire partie de la classe moyenne est d'une mauvaise foi nauséabonde.<br /> <br /> C'est ce genre de déclarations qui décrédibilise toute la profession.
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D
"La jalousie voit tout, excepté ce qui est" Xavier Forneret
A
Il est certain que notre pays doit être réformé mais la réforme du notariat est bien la représentation de la démagogie politique. Initialement la réforme a pour but le pouvoir d'achat mais la réalité des textes aboutit à la destruction du "petit" notaire proche de la population et qui apporte un conseil juridique au plus près de nos concitoyens. Le notariat ne va bien sûr pas disparaître mais sera un domaine complétement financiarisé mais au bénéfice de qui? Certainement pas au profit des administrés qui pour la plupart estiment que leur notaire fait du bon boulot. Il est vrai qu'un notaire gagne plutôt bien sa vie mais l'objectif était qu'il ne soit pas sujet à la corruption des "riches". On parle de rente au profit d'une profession qui fera toujours partie de la classe moyenne. C'est bien la classe moyenne qui est en cours de destruction dans l'ensemble des pays occidentaux mais pas au bénéfice des plus pauvres qui bénéficie de la fiscalité réglée par la classe moyenne mais bien évidemment au profit de la finance et des actionnaires qui mènent l'humanité à sa perte. Un Notaire est bien un percepteur d'impôts mais l'ensemble des ponction est réalisé en majorité sur des personnes dont les revenus et le capital baissent d'années en années. Il est temps que les pouvoirs publiques aille chercher l'argent où il est en supprimant toutes les niches fiscales ou l'évaporation des bénéfices taxables via des sociétés étrangères...
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D
Ils me font bien rigoler tous ces donneurs de leçons.<br /> Voilà un gars qui a passé sa vie entre fonctionnaire à l'université et les commissions théodules.<br /> Il doit en savoir quelque chose de la "vrai vie" celle où avec des CDD renouvelables on obtient un emprunt sur 30 ans pour s'acheter une maison...<br /> Encore un fonctionnaire payé à donner des leçons à ceux qui travaillent (caissière, artisan, chef d'entreprise).<br /> D'ailleurs j'ai un scoop pour son prochain "ouvrage", ne pas payer les salariés permet d'être compétitif et d'embaucher massivement. Marre que nos impôts payent des types comme lui.
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