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"Ces diplômés notaires qui espèrent s’installer
CIVIL | Profession juridique et judiciaire
La loi Macron va permettre la création de nombreux offices. Des diplômés notaires peaufinent leur projet, en attendant que leur candidature puisse être déposée.
Des diplômés notaires non installés sont dans les starting-blocks. Avec la loi Macron, 1 002 nouveaux offices de notaires vont pouvoir ouvrir (sur la réforme, v. Dalloz actualité, 1er mars 2016, art. L. Dargent et C. Fleuriot ; sur les contestations, v. Dalloz actualité, 11 déc. 2014, art. J. Mucchielli ). Pas n’importe où. Les zones concernées, dites « d’installation libre », sont listées dans un arrêté (arr. 16 sept. 2016, JO 20 sept.). Un nombre maximal de créations d’offices par zone est fixé (V. encadré). Par exemple, 96 à Paris, 21 à Rennes, 5 au Havre, 1 à Digne-les-Bains, etc. À partir de quand pourront être déposées les demandes de nomination ? La date sera fixée par un arrêté, signale la Chancellerie.
La loi Macron, « c’est un grand espoir. Avant, je n’avais pas de perspectives d’exercer pleinement mon métier », indique Emily Peynot, diplômée notaire non installée. Cette trentenaire a arrêté de travailler pour préparer son projet d’installation en Haute-Savoie. Elle a construit un business plan pour plusieurs zones, rencontré son banquier… « Mon but, c’est d’être chef d’entreprise et de créer de l’emploi », continue-t-elle. À ses yeux, l’interprofessionnalité est une « énorme chance ». Emily Peynot aimerait créer sa société, puis s’associer à d’autres professionnels du droit et du chiffre : notaires, avocats, experts-comptables, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires.
Elle fait partie de la centaine d’adhérents que compte l’association Liberté d’installation des diplômés notaires (LIDN). Son président, Jean-Charles Persico, lui, pense candidater en Franche-Comté. « On y travaille depuis un an, avec d’autres diplômés notaires de l’association », raconte-t-il. Jean-Charles Persico détaille son projet. « Si l’on reprend le business model des notaires déjà en place, ça ne passera pas, car les charges seront trop importantes dans le cadre d’un marché ouvert », explique-t-il. Jean-Charles Persico projette donc d’« employer moins de personnes », d’« avoir accès à des clercs travaillant à distance », d’« externaliser certaines missions, comme les formalités, la rédaction d’actes », etc. Le diplômé notaire compte « proposer des services innovants ». Quant aux remises tarifaires permises par la loi Macron, « on les appliquera », continue-t-il.
Tirage au sort polémique
Pour le moment, ni Jean-Charles Persico, ni Emily Peynot ne savent si leur projet pourra aboutir. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils devront être réactifs. En effet, un décret prévoit que les demandes de nominations seront « instruites suivant leur ordre d’enregistrement ». Toutefois, si, dans les vingt-quatre heures suivant l’ouverture des candidatures, les demandes de création d’office enregistrées dépassent dans une zone le nombre maximal fixé, l’ordre de ces demandes sera « déterminé par tirage au sort » (décr. n° 2016-661, 20 mai 2016, JO 25 mai).
Ce tirage au sort fait grincer des dents Aurélie Dingreville. Également membre de l’association LIDN, elle candidatera pour sa part en Île-de-France. « J’aurais préféré une obligation d’ancienneté dans le notariat », précise-t-elle. Cette loi Macron, « c’est une victoire un peu mitigée […]. Beaucoup vont rester sur le carreau », déplore-t-elle. Aurélie Dingreville ne sait pas si elle restera dans le notariat, si elle n’est pas tirée au sort.
Du côté des notaires installés, la sélection par tirage au sort est également critiquée. « Un système basé sur le hasard, c’est assez effrayant », dénonce Caroline Jeanson, présidente de l’association ResNotaria (connue aussi sous le nom #notairesfuribards), composée d’une trentaine de membres. Avec cette méthode, « vont être nommés des notaires dont on ne mesure ni l’expérience ni la probité », ajoute-t-elle. Pour cette notaire, qui travaille à Duras (Lot-et-Garonne), cela présente un risque « pour la sécurité juridique des clients ». Mais aussi pour « la cohésion de la profession […], la caisse de garantie collective ne pourra pas assumer un afflux de sinistres si tel devait être le cas ».
« Intégrer ces nouveaux confrères »
Caroline Jeanson évoque les difficultés qui attendent ces nouveaux notaires. « On a peur pour eux. On connaît la difficulté de créer une étude, la quantité de travail et l’investissement financier énorme que ça représente », explique-t-elle. « Mais je ne dis pas que les nouveaux notaires seront de mauvais professionnels », tient-elle à préciser.
L’équilibre économique des nouveaux arrivants est également un sujet d’inquiétude au Conseil supérieur du notariat (CSN). Pour Pierre-Luc Vogel, son président, « c’est un nouveau challenge pour la profession que de réussir à intégrer ces nouveaux confrères ». Des commissions d’accueil seront mises en place au niveau local en impliquant les instances départementales et régionales, annonce-t-il.
Emily Peynot espère que les nouveaux notaires ne seront pas « stigmatisés ». « Le temps des conflits, de la défense des intérêts de chacun n’aura plus lieu d’être. Il faudra que l’on travaille en bonne intelligence », conclut-elle. Caroline Jeanson assure « ne pas être hostile aux nouveaux arrivants »."