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27 octobre 2010 3 27 /10 /octobre /2010 15:33

« NOTAIRES DE GRANDS CHEMINS »

C'est le titre d'un article de LE POST (http://www.lepost.fr/article/2010/10/27/2282732_notaires-de-grands-chemins.html), et aussi celui d'un livre qui doit sortir très prochainement.

Voici le texte intégral de cet article remarquable (Le Post ne nous en voudra pas de lui faire cette publicité) :

« Barnabé Kuduru est un collectif de juristes venant de tous horizons dont l'ambition est de dénoncer les dérives du notariat dans la France contemporaine (1)

Ce collectif a co-écrit un livre avec l'ancien juge d'instruction Laurent Lèguevaque. Il analyse les règles encadrant cette profession et montre comment elles permettent à la fraude de fleurir et de s'épanouir pour atteindre, notamment avec l'activité immobilière, une part significative de la sphère économique.

Sa publication fait aujourd'hui l'objet de pressions.

Quelle est donc cette étrange profession ?

Pour rendre compte au plus près de la relation qui s'établit entre l'Etat et le notariat, il convient de se reporter aux descriptions de l'hommage vassalique qui « entraîne pour les deux partenaires l'obligation de se comporter loyalement l'un envers l'autre ; pour le vassal le devoir de servir, d'aider, pour le seigneur, le devoir de protéger » (2).

Le notaire est nommé par l'Etat et doit, conformément à son serment (3), le servir « loyalement ».

En contrepartie, « les notaires français bénéficient de la forme la plus pure de monopole accordé par l'Etat (monopole territorial et fonctionnel) et jouissent du plus haut degré possible de protection » (4)

L'Etat limite ainsi en France artificiellement le nombre de notaires, et leur évite le désagrément d'une concurrence par les prix avec l'instauration d'un tarif réglementé.

Pour autant le notaire n'est pas un fonctionnaire. Il exerce une profession libérale.

Il existe donc une tension irréductible entre la nécessité pour le notariat d'assurer la mission de service public qui seule justifie une dérogation au droit de la libre concurrence et la volonté des notaires de faire de leurs offices une entreprise entièrement dédiée au profit.

« L'objectif des notaires a toujours été de s'appuyer sur la légitimité de l'Etat pour s'engager dans des activités commerciales et d'utiliser l'Etat pour les protéger contre la concurrence » (5).

C'est précisément ces objectifs contradictoires qui expliquent pourquoi le conflit d'intérêts est au coeur même de l'activité notariale.

« Il faut séparer ce qui est de la chose privée de ce qui est de la chose publique, et alors rendre à l'industrie ce qui est à l'industrie et à la fonction publique ce qui est à la fonction publique. Là est le noeud d'une solution rationnelle » (6).

Or, les notaires ne peuvent se soustraire du giron étatique et du monopole accordé sans perdre leurs rentes de situation.

L'attribution d'un statut à la fois aussi favorable et aussi peu justifié aux notaires exacerbe particulièrement leur peur actuelle du déclassement.

« Ce que l'on pourrait perdre est tellement fondamental, constitue à tel point le socle de tout notre être social, que ce seul risque suffit à nourrir une anxiété d'ordre existentiel » (7).

Ainsi, « les notaires effrayés par l'arrivée prochaine de « l'acte d'avocat » (8) avec lequel il va falloir partager l'activité de rédaction d'actes et même, dans un bref délai, le monopole sur l'immobilier qui assure, à ce jour, 80 % deleurs ressources, sont à la recherche d'activités régaliennes nouvelles susceptibles de les rapprocher encore plus de l'Etat et de les rendre ainsi intouchables dans cette très étroite dépendances hiérarchique » (9).

Mais « en renforçant certains groupes sociaux, l'Etat finit par se trouver peu ou prou à leur merci » (10).

C'est précisément le résultat atteint lorsqu'un Etat n'hésite pas à démembrer dans la précipitation un service public qui fonctionne à la satisfaction générale à seule fin de proroger encore s'il se peut les privilège de 9 002 (11) familles de notaires.

(NDLR de ce blog : en réalité, il y a beaucoup moins de 9.0002 familles concernées, puisque nombre d'entre elles concentrent, avec leurs descendants, « alliés », et « collatéraux », de très nombreux offices, à tel point que dans certaines régions les notaires sont presque tous de la même famille, et, de plus, essaiment dans d'autres parties du territoire à l'image des métastases de certaines maladies !).

Ainsi le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées actuellement en débat au Parlement prévoit de transférer des compétences aujourd'hui exercées gratuitement par l'administration aux notaires (12).

Entre se faire délivrer gratuitement un acte par l'administration et payer un notaire pour obtenir strictement le même document, l'on peut se demander où se situe précisément « le gain pour l'usager » (13).

L'on songe plutôt à Pierre Dac proposant à la vente deux « fourchetttes-piège aimantées, permettant de manger les petits pois proprement et avec distinction » dont les prix diffèrent, et précisant que la seconde est « la même, mais plus chère » (14).

La véritable explication de cette modification du périmètre du droit est tout autre. Il s'agit de la prééminence désormais clairement affichée par les pouvoirs publics du système des chers amis sur celui de la République.

  1. Un Kuduru est une borne. La dénomination du collectif vise à exprimer la nécessité de fixer des limites au fonctionnement du notariat pour éviter lesdites dérives.

  2. Jacques Ellul, Histoire des Institutions de l'époque franque à la Révolution, PUF, 1962, p. 137

  3. aujourd'hui dans sa rédaction issue de l'article 57 du décret du 26 novembre 1971

  4. Ezra Suleiman, Les notaires. Les pouvoirs d'une corporation, Le Seuil, 1987, p. 22

  5. Ezra Suleiman, Les notaires. Les pouvoirs d'une corporation, Le Seuil, 1987, p. 63

  6. Louis Theureau, Etude sur l'abolition des offices, Guillaumin, 1868, pp. 217, 218, cité par Ezra Suleiman, Les notaires. Les pouvoirs d'une corporation, Le Seuil, 1987, p. 39.

  7. Eric Maurin, La peur du déclassement, Le Seuil, 2009, p. 8.

  8. Une des préconisations essentielles du rapport Darrois et qui est l'objet de l'article 1er du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, (exposé des motifs, p. 2).

  9. http://avocats.notaires.over-blog.com/45-index.htlm, 1er juin 2010.

  1. Ezra Suleiman, Les notaires. Les pouvoirs d'une corporation, Le Seuil, 1987, p. 356.

  2. Chiffres fournis par la profession notariale http://www.notaires.fr/notaires/page/notariat-en-chiffres?page_id=50

  3. La réforme prévoit notamment de substituer à l'acte de naissance, actuellement délivré gratuitement par l'administration, un « acte de notoriété », identique dans son objet et dans ses effets mais délivré par un notaire. De même, lorsque des partenaires auront décidé d'organiser leur vie commune par la conclusion d'une convention par acte authentique, le notaire ayant rédigé cet acte procèdera lui-même à l'enregistrement de la déclaration des partenaires et fera procéder aux formalités de publicité sur les actes de l'état civil des intéressés.

  4. Gilles Rouzet, précis de déontologie notariale, PUF, 3ème éd, 2004, p. 30, n° 22.

  5. Audio, http://pierredac.free.fr/annonces.htm »

 

Il ne fait aucun doute que ce livre va faire énormément de bruit dans Landerneau et bien au-delà, et qu'il constituera une base solide et documentée à l'inévitable réforme de cette corporation, de cette « organisation », vers la « grande profession du droit » (en bref, sa fusion avec la profession d'avocat).

Nous en reparlerons en détail, abondamment et aussi longtemps que nécessaire, lorsqu'il sera publié.

 

ET LES COMMENTAIRES SUR « LE POST » EN DATE DU 28 OCTOBRE :

 

NOTAIRES DE GRANDS CHEMINS – LIVRE CENSURE – MAIS POURQUOI DONC ?

Certes, notre livre s'ouvre sur une comparaison entre la rémunération moyenne des notaires et celle des Français.

Il nous apprend qu'aujourd'hui la moitié des Français vit par an avec un revenu de près d'un quart inférieur à la rémunération mensuelle d'un notaire qui s'établit en 2007 à 19.141 euros.

Ce livre rapporte également qu'aujourd'hui en France 13 % de la population et 30 % des familles monoparentales doivent vivre une année entière avec un revenu inférieur à la moitié de la rémunération mensuelle d'un notaire.

Nous ne contestons pas que le livre révèle l'existence d'une rémunération difficilement justifiable au regard de l'utilité sociale des notaires.

Est-ce pour cette raison que le livre est censuré ?

Barnabé Kuduru vous donne rendez-vous demain.

 

Commentaire de elmiguel :

« La rémunération ne prend pas en compte la corruption quasi systématique sur les grosses successions, mais pour être exact et précis, elle ne prend pas en compte les frais pour ne pas être inquiété par la justice …

Les notaires sont imposés ; et s'ils décident d'arnaquer, c'est dur de s'en rendre compte à temps, et très dur d'avoir un sentiment de justice sans violence, en tout cas c'est très long. »

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commentaires

F
<br /> J'ai dans l'idée que le collectif BARNABE KUDURU est principalement composé de notaires-assistants qui auraient décidé de passer à l'offensive.<br /> <br /> <br />
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