LA FRAICHEUR DES RELATIONS ENTRE LE CSN ET L'AUTORITE DE LA CONCURRENCE
Un correspondant nous a transmis le texte de l'intervention du président du CSN devant l'Autorité de la concurrence, le 16 décembre dernier.
L'amertume du CSN devant cette Autorité sur laquelle il n'a pas de prise y est perceptible.
Extraits :
« … nous avons appris que l'Autorité que vous présidez, au-delà de l'avis qui lui était demandé, était appelée en réalité à devenir un véritable acteur dans la gestion de la profession notariale et dans son économie.
Ainsi, votre rôle a évolué et lorsque nous avons reçu tardivement un nouveau questionnaire – toujours aussi abondant – et auquel il était souhaité que nous répondions dans un délai très court, il nous est apparu que nous ne pouvions plus accéder à une demande d'une autorité qui n'était plus appelée en conseil du gouvernement mais bien en intervenant et en substitution de la Direction des affaires civiles et du sceau qui jusqu'à présent assurait notre tutelle.
Je n'ignore pas les proximités qui vous lient à Monsieur Macron depuis la commission Attali et sans doute auparavant. Ainsi les choses ont-elles pu se faire entre vous en parfaite intelligence.
Ainsi est née l'impression dans nos rangs d'un rapport prédéterminé. N'aviez-vous pas fait savoir, dès le mois de mars, que vous entendiez vous interroger sur le tarif des professions réglementées ?
Nous verrons bien ce que la représentation nationale décidera en ce qui nous concerne, et également en ce qui vous concerne.
L'économie du notariat, l'économie des professions réglementées ne peut s'analyser à l'instar de celles des entreprises du commerce.
Je sais que votre temps est compté puisqu'il nous a été annoncé que nous ne dispositions que d'un quart d'heure : j'espère ne pas avoir outrepassé ce temps.
Et je dois encore faire face à l'angoisse des plus âgés qui ne peuvent plus céder leurs offices car aujourd'hui compte tenu des intentions gouvernementales, il est impossible de fixer un prix de cession.
Mesdames et Messieurs, je comprends que vous avez une journée bien chargée et je ne vais pas davantage exaspérer votre patience.
Nous avions des propositions tarifaires et nous avions des suggestions sur notre maillage territorial. Il n'est pas utile que je vous importune avec ces considérations si j'en juge par l'accueil que leur a réservé Bercy. »
Nous ressentons, dans cette allocution minutée, l'immense amertume du président du Conseil supérieur du notariat, qui n'est pas écouté autant qu'il l'aurait souhaité (un quart d'heure seulement pour traiter du devenir de la profession!), et autant qu'il l'était, naguère, par les services du ministère de la Justice, auxquels il dictait ses volontés au point même d'écrire les discours du (de la) garde des sceaux devant le congrès annuel des notaires.
Les temps ont changé : le notariat n'est plus perçu comme une entité quasi mystique, dépositaire de l'autorité de l'Etat, allié fidèle et soumis du pouvoir politique, mais plus simplement comme un banal prestataire de services juridiques – fût-il délégataire d'un agrément pour certifier les copies, les dates et les signatures - un service banalisé comme les autres secteurs de l'économie et soumis aux mêmes règles, notamment celles de la concurrence.
L'environnement de la profession a brutalement changé : à l'univers classique et feutré du droit, de la littérature, des textes en latin, des belles manières, représenté par le ministère de la justice auquel il était si facile de dicter ses volontés, a succédé l'aridité et la brutalité des chiffres, ce monde de brutes qui caractérise l'économie libérale, et les relations rugueuses avec les experts des chiffres et des concepts économiques que sont les « fonctionnaires de Bercy », l'Inspection générale des Finances, l'Autorité de la Concurrence, et les économistes de tous poils, sous l'influence « mortifère » de ces affreux « anglo-saxons » et des « technocrates de Bruxelles ».
Et les événements de ces derniers jours (réforme annoncée du tarif et avènement de la « liberté d'installation ») ne font que confirmer cette brutale évolution, cette « révolution ».
Rien ne sera plus comme avant, et le notariat n'a qu'une option : s'adapter, se réformer, ou disparaître dans « la grande profession du droit ».
C'est le principe de « TINA » de Margaret Thatcher rappelé ici il y a quelque temps : « There is no alternative ! ».