CORRUPTION - WOERTHGATE : UN DEPUTE SAISIT LE PROCUREUR DE PARIS AU SUJET DE LA VENTE ILLEGALE DE LA FORET DOMANIALE DE COMPIEGNE
Le député Christian Bataille a annoncé, dans un entretien à Marianne2 publié le 3 septembre, avoir saisi le procureur de Paris Jean-Louis Nadal sur la vente par Eric Woerth, alors qu'il était ministre du Budget et contre l'avis du ministère de l'Agriculture, d'une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne.
Rappelons qu'une lettre publiée mercredi dernier par le Canard Enchaîné révélait que la cession avait été refusée par un précédent ministre de l'Agriculture, Hervé Gaymard, parce qu'elle ne lui paraissait "pas possible" au regard de la loi, et que Bruno Lemaire, l'actuel ministre de l'Agriculture, aurait lui aussi "tenté de s'opposer à cette vente illégale", en vain.
En saisissant la justice, Christian Bataille veut diligenter une enquête pour faire la lumière sur les conditions de la vente pour 2,5 millions d'euros d'une parcelle de 58 hectares comprenant un golf et l'hippodrome de Compiègne.
"La vente d'une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne sur décision personnelle d'Eric Woerth, dans ses fonctions de ministre du Budget, paraît enfreindre la loi", a affirmé l'élu. "J'ai donc l'intention de saisir dès aujourd'hui le procureur général de Paris Jean-Louis Nadal, afin que la justice examine la légalité de cette cession", a-t-il ajouté.
Inaliénabilité et juste prix
L'élu a insisté sur le fait que la forêt domaniale ne peut être vendue. D'après l'article L-62 du code du domaine de l'Etat, "les bois et forêts domaniaux ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi", a martelé Christian Bataille.
Marianne2 a d'ailleurs rappelé qu'une jurisprudence existe : en 1960, le conseil d'Etat avait annulé une vente dans le département des Alpes-Maritimes.
Par ailleurs, Christian Bataille a évoqué le fait que le bien cédé à la Société des courses de Compiègne ait pu être sous-évalué. "Avant de suspecter un éventuel délit de favoritisme, il m'importe simplement de savoir si le caractère illégal de la vente est confirmé par la justice", a cependant assuré l'élu socialiste.
Si l'illégalité de la cession est confirmée, "l'hippodrome redeviendra un bien public, propriété de l'Etat", a-t-il ajouté.
Et le député de préciser :
"L'inaliénabilité de la forêt domaniale est inscrite dans le droit français depuis Dioclétien. Cette règle a été codifiée sous l'Ancien régime dans l'édit des moulins de 1566, puis confirmée par la République, en 1790. Depuis, la forme de cette interdiction n'a quasiment pas varié. Il ressort de l'article L-62 du code du domaine de l'Etat que : "Les bois et forêts domaniaux ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi". Je doute que les fonctionnaires de Bercy aient laissé leur ministre dans l'ignorance de ce texte. Au moment de prendre la décision d'une telle cession, Eric Woerth pouvait d'autant moins ignorer le droit que le ministre de l'époque Hervé Gaymard, avait explicitement justifié son refus de venddre par cette impossibilité légale. Pourquoi Eric Woerth a-t-il tenu, dans les jours précédant son transfert vers un autre ministère, à satisfaire le locataire de cet hippodrome ? A-t-il seulement sollicité le service des Domaines pour obtenir la juste évaluation du bien ? A ce propos, dès la rentrée parlementaire, je demanderai également des explications à François Baroin, le ministre de tutelle de France domaines."
Espérons que la démarche de ce député courageux (ils sont trop rares) ira à son terme, que le ministre corrompu sera sanctionné (on se demande bien, d'ailleurs, pourquoi il est toujours ministre !), et que le domaine vendu illégalement réintégrera le domaine public.
C'est une procédure qu'il faut suivre attentivement, pour éviter qu'elle ne s'enlise, comme c'est, hélas, trop souvent le cas s'agissant des moeurs du personnel politique.