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29 mars 2015 7 29 /03 /mars /2015 14:00
« LE CREPUSCULE DES NOTAIRES » OU LA CLAIRVOYANCE DU SYNDICAT NATIONAL DES NOTAIRES

« LE CREPUSCULE DES NOTAIRES » OU LA CLAIRVOYANCE DU SYNDICAT NATIONAL DES NOTAIRES

En cette période critique pour la profession de notaire, qui est clairement à la croisée des chemins, il n'est pas inutile de relire le rapport prémonitoire (rédigé en réponse au rapport Darrois) du Syndicat national des notaires pour son congrès d'Avignon en octobre 2009.

Extraits :

« PREMIERE APPROCHE DU SYNDICAT NATIONAL DES NOTAIRES SUR LE RAPPORT DARROIS

... même si ce n'est pas le grand soir, tant annoncé par nos détracteurs, c'est malgré tout le crépuscule pour certains et l'aube pour d'autres.

Pour le Syndicat National des Notaires, la philosophie du rapport réduit le notaire à l'acte authentique « stricto sensu », un peu comme si on avait ramené l'avocat à la défense pénale uniquement. Concomitamment, c'est la naissance de l' « avocatus juridicus » qui aurait vocation à intervenir dans presque tous les domaines.

Pour en arriver là, le rapport analyse les deux systèmes juridiques de la « common law » et la « civil law » et leur nécessaire rapprochement par l'effet de la mondialisation.

Ainsi, il est question des fonctionnements respectifs des avocats américains et français et le rapport laisse transpirer très rapidement l'idée que, à l'instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, les avocats français doivent s'écarter du contentieux pou se reporter sur la rédaction d'actes.

De même, le rapport fait une large place aux mérites de la concurrence « porteuse d'exigence, de qualité et de réduction des coûts pour les clients ». La concurrence est donc considérée comme un bien.

la commission (Darrois) a répondu aux objectifs qui lui ont été donnés dans la lettre de mission, en faisant la part belle aux avocats et en proposant des solutions aux problèmes difficiles de l'aide juridique, de l'accès au droit et de leur financement.

Le rapport précise bien que « les propositions ont eu pour but de contribuer à la formation d'une communauté de juristes renforcée, conservant leur différence et collaborant davantage ».

Quelle peut être la place du notariat dans cette communauté de juristes ? C'est là notre problème essentiel.

LE CREPUSCULE A L'HORIZON

L'ensemble du rapport, tout en réaffirmant la volonté de maintenir le statut actuel de la profession de notaire, en raison de l'utilité de l'acte authentique, et en reconnaissant sa spécificité notamment par ses multiples contraintes, envisage néanmoins de nombreuses évolutions qui nous inquiètent.

L'acte authentique seul :

Il est certes reconnu aux notaires le monopole de l'acte authentique, en raison de leur délégation de puissance publique, mais ce monopole serait anticoncurrentiel et constituerait un avantage par rapport aux avocats.

Il est clairement affirmé que les notaires « ont pour mission de contribuer à la sécurité juridique, notamment en matière immobilière ».

Mais l'authenticité ne pourra à l'avenir perdurer qu'en raison de la mission d'intérêt général qu'elle remplira de fait.

La rédaction d'un acte authentique est ainsi la seule justification du maintien de la profession. Celui-ci est un acte résiduel « qui doit être strictement justifié par la gravité des effets de l'acte et la nécessité d'en confier l'élaboration pour des motifs d'intérêt général à un délégataire d'une parcelle de l'autorité publique ». Son champ d'application a vocation a être réduit : « l'évolution générale de nos sociétés mériterait que soit engagée une réflexion approfondie sur le recours obligatoire à l'acte authentique ».

En revanche, lorsque la Commission envisage l'ouverture du notariat, ce n'est absolument pas pour élargir son champ d'activité mais pour augmenter le nombre des praticiens, alors que la France a déjà le nombre de notaires par habitant le plus important d'Europe.

En outre, elle souhaite encore réduire le rôle de ces derniers à celui de simples exécutants.

L'authentificateur soumis :

Selon la Commission, le critère de la viabilité des offices, privilégié par la CLON, empêche l'installation de jeunes notaires. Dès lors, la Commission propose, semble-t-il, d'inverser les ordres de priorité et de privilégier l'installation des jeunes notaires au dépens de leur indépendance et leur autonomie. Celui-ci donnerait l'authenticité notariale aux actes rédigés au sein de structures interprofessionnelles, dominées par d'autres professionnels. C'est bien ce simple exécutant dont l'installation serait privilégiée par rapport aux professionnels autonomes.

Il reste à régler le cas des notaires restant autonomes. Ceux-là seraient amenés à partager leurs émoluments ou leurs honoraires avec ceux qui apparaîtraient comme les concepteurs de l'acte dont ils ne seraient alors que les exécutants.

L'article 3 du tarif des notaires résultant du décret modifié du 8 mars 1978 serait adapté pour permettre la prise en considération du travail d'un autre professionnel du droit : la remise partielle de l'émolument dû au notaire pourrait alors être possible afin d'éviter un surcoût des prestations et permettre un partage des responsabilités. Cette mesure s'appliquerait non seulement dans le domaine de l'immobilier mais également dans le domaine du droit des personnes, et notamment en matière successorale.

Pour finir, il faut entamer le monopole de l'acte authentique : c'est l'objet de « l'acte contresigné par avocat », dont on ne perçoit pas vraiment l'utilité mais qui est un premier pas inquiétant pour l'avenir. Il s'agit de renforcer la valeur de l'acte sous seing privé signé par les parties, lorsqu'il est contresigné par l'avocat, en le tenant légalement reconnu, donc en lui attribuant entre les parties la même force probante que celle de l'acte authentique.

Pour l'instant, un tel acte ne se distingue pas de l'acte sous seing privé, puisqu'il n'a la force de l'acte authentique qu'entre les parties.

Cependant, il pourra suffire, ultérieurement, d' « une pichenette » législative pour étendre cette force et passer des parties à « erga omnes », c'est-à-dire à tous.

L'acte authentique ainsi réduit à son simple aspect exécutoire et le notaire au rôle de simple exécutant, il reste à déterminer le maître d'oeuvre. Il n'est même pas envisagé que celui puisse être le notaire. Le rapport n'y voit que l'avocat.

Il est envisagé son intervention à l'acte et sa rétribution, ainsi que son association, en réalité dominante, au sein de structures interprofessionnelles, privilégiées lorsqu'elles intègrent un notaire destiné à être un simple exécutant de la structure.

L'AUBE NAISSANTE :

Si le rôle du notaire est strictement limité à l'intervention au sein d'un acte authentique certes fort, mais devenu résiduel, au champ destiné à être réduit, il n'en est pas du tout de même pour l'avocat qui a vocation quasiment universelle à intervenir sur tout et partout, même dans le chiffre.

Cette profession est ainsi mise en position de conquête et d'hégémonie, et des moyens importants sont mis à sa disposition par la Commission :

La conquête :

Une formation initiale commune au sein de l'université permettra une meilleure collaboration entre tous les professionnels du droit. Compte tenu du nombre d'élèves, ce sont les valeurs de l'avocature qui seront principalement enseignées. Une formation ultérieure sera en conséquence bien nécessaire pour assurer la spécificité de chaque profession.

La profession d'avocat est d'ores et déjà élargie en consacrant la fusion de celle-ci avec celle des avoués et en promouvant celle avec les conseils en propriété industrielle.

La gouvernance de la profession est réorganisée vers une plus grande unité, pour un rassemblement vers la puissance.

Le périmètre du droit, une vieille revendication des avocats, est désormais défini et des labels de qualification encadreront l'activité juridique accessoire.

A l'intérieur de ce périmètre, des moyens financiers leur sont donnés à travers la réforme du financement de l'aide juridictionnelle.

L'hégémonie :

Le rapport propose de promouvoir les sociétés interprofessionnelles conçues pour que l'avocat soit dominant. Les rapprochements possibles entre tous les professionnels du droit et du chiffre sont ainsi passés « au peigne fin » pour être favorisés, soit à l'occasion d'une opération ponctuelle, soit par le biais de sociétés interprofessionnelles, garantissant l'indépendance de chaque profession.

Compte tenu de la vocation à tout faire de l'avocat, le notaire associé deviendra un simple exécutant qui a vocation à être minoritaire, en particulier lorsqu'il s'agira d'installer un jeune diplômé notaire.

Le développement des cabinets français à l'étranger serait favorisé par des incitations juridiques et fiscales.

CONCLUSION :

La nouvelle profession d'avocat, élargie et rénovée, va réduire la sphère de celle du notaire.

Pour contrebalancer la position dominante que s'est ménagée la profession d'avocat, le notariat doit proposer au législateur certaines évolutions possibles et souhaitables.

Notre profession est à un tournant de son histoire.

La profession unique n'a pas été retenue mais la Commission propose un système tendant à fusionner les activités qui seront dominées par l'avocat.

Il est clair que ce rapport incite à changer de société et de système juridique. »

 

Au travers de ce rappel du travail de la Commission Darrois et du point de vue du Syndicat national des notaires, c'est bien la totale cohérence avec maintenant le remarquable rapport de l'Inspection générale des finances et le projet de loi Macron qui nous apparaît, et un formidable mouvement de fond en faveur de la modernisation du secteur des services juridiques en France, et l'émergence de « la grande profession du droit » annoncée par le rapport Attali.

Même si le projet de loi Macron peut sembler insuffisant, il pose quand même les principes fondamentaux de la liberté d'installation, de la concurrence par le tarif, et de l'interprofessionnalité avec les avocats. Il est probable qu'il sera adopté en l'état lors de son second passage devant l'Assemblée nationale, même si le Gouvernement doit à nouveau passer en force (et malgré les éventuelles retouches souhaitées par le Sénat dans sa posture traditionnellement immobiliste).

Tous les paramètres sont en faveur de cette réforme, y compris la pression de plus en plus insistante de la Commission européenne et des instances internationales en faveur des « réformes structurelles » pour assainir la situation financière de la France et relancer l'activité économique.

Quant au CSN, il mène clairement un combat d'arrière garde dont, comme tel, l'issue inéluctable est connue.

Pour reprendre la formulation prémonitoire de leur syndicat national, c'est bien du « crépuscule des notaires » dont il s'agit.

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commentaires

D
Vivement le rapport 2015 ...
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D
A propos de crépuscule, je suis tombé sur le rapport annuel du CSN et je le trouve plutôt paradoxal pour une profession qui se défend de faire du COPIER-COLLER <br /> http://www.notaires-rapportannuel2013.fr/CSN_RA_2013_DEF_14042014.pdf<br /> et <br /> http://www.notaires-rapportannuel2014.fr/CSN_RA_2014_DEF_05052015.pdf <br /> <br /> A part les dates on dirait que le stagiaire du CSN s'est pas cassé la nénette à moins que le Notariat ait recours aussi à BYGMALION, lol !
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C
Merci pour les informations et l'analyse très perspicace.
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D
Selon le Net il apparaît que les députés ont voté pour défaut de représentativité (29 députés présents lors du vote ...) la dissolution de l'ordre des infirmiers libéraux... et s'ils faisaient de même avec le CSN et les chambres cela ferait beaucoup moins de charge ordinales !<br /> Un notaire en exercice a-t-il déjà demandé à quoi servaient ses charges ... car faire un tour de bateau mouche avec la délégation étrangère présente au congrès ou autres instances ce n'est pas nécessaire à mon humble avis. idem la soirée à l'hyppodrome de LYON (alors que certains Notaires y ont des chevaux ...)<br /> Surtout que cela peut favoriser certaines perversions si la publications des marchés attribués n'est pas officielles par rapport aux notaires qui cotisent ! <br /> Frais de médias, NOTE DE SYNTHESE pour ceux qui ont la flème de lire (ernst & young), publicités, les rapports du CSN, <br /> http://chambre-38.notaires.fr/data/document/2013-rapport-annuel-csn.pdf<br /> <br /> qui d'une année sur l'autre se ressembleront (sans aucun intérêt), un compte de résultat très détaillée voir la compta du CSN serait plus instructive que ce machin ! <br /> idem pour la CRPCEN
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